La troisième vie, Fabrice Arfi occupé
Mars 2008, Fabrice Arfi découvre l’existence de Vincenzo Benedetto. Octobre 2024, il publie La troisième vie (Seuil). Seize ans de recherches, de recoupements, de consultations des archives, d’entretiens avec des plus ou moins proches pour comprendre qui était ce Roumain, arrivé en France en septembre 1969 et toujours aussi fermé à toute confidence en décembre 2023.

Est-ce qu’écrire un livre pour dire qu’on ne sait pas est utile ? Est-ce qu’il est nécessaire (et pour qui ?) de raconter ses recherches, ses errances, ses moments de doute même si à la fin la preuve manque et la certitude n’est toujours pas constituée ? Pourquoi Fabrice Arfi s’est-il laissé occupé par Vincenzo Benedetto pendant toutes ces années ?
De ce livre qui débute dans les refliefs escarpés de l’Isonzo en pleine Première Guerre mondiale et s’achève aujourd’hui à Lyon par une porte fermée, il reste des parcours de vie. Pas seulement celui de Benedetto Benedetto qui combat parmi les rangs italiens et y meurt ou au moins y disparaît, pas seulement sur Vincenzo Benedetto, le fils du premier, Roumain, mais qui semble si peu connaître son père, pas seulement sur Jean Benedetto, immigré italien en France, le frère du premier et peut-être donc l’oncle du second, du moins veut-il bien y croire. On y croise la route de Charles Hernu et la vie politique pendant la Guerre froide en France. Mais cet ouvrage parle aussi de l’auteur Fabrice Arfi et de sa famille.
Se laisser occuper, chercher, revenir sur les traces, questionner son entourage, accepter in fine de ne pas savoir. Pendant ce temps-là – seize ans -, sa vie personnelle et professionnelle se poursuivent. C’est là que l’analogie avec la psychanalyse se donne à voir. Questions fréquentes des patients et des analysants : combien de temps va durer ma thérapie/ mon analyse ? Quand est-ce que je vais savoir pourquoi je suis comme ça ? Cette volonté de savoir qui est aussi la marque d’une résistance à l’entrée ou à la poursuite du travail comme une manifestation de l’angoisse de ne pas trouver traverse chaque individu travaillant sur lui-même. Fabrice Arfi témoigne ici que les années à côtoyer son sujet, son obession pour Vincenzo Benedetto dans les archives et lors des entretiens ne l’ont pas pour autant tenu éloigné de lui, ne l’ont pas empêché de construire sa vie personnelle et professionnelle.