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L’empreinte et l’absence, Michel de Certeau et Joan Miró

« En fait, d’avoir visité les bords de sa terre, d’avoir été comme Robinson « bouleversé » par les traces de l’absence marquées sur ces rivages d’une société, l’historien revient altéré, mais non pas silencieux. Le récit se met à parler entre contemporains. Il me semble qu’il peut parler du sens rendu possible par l’absence, lorsqu’il n’y a plus d’autre lieu que le discours. Il dit alors quelque chose qui a rapport avec toute communication, mais il le raconte en forme de légende – à bon entendeur, salut -, dans un discours qu’organise une présence manquante et qui garde du rêve ou du lapsus la possibilité d’être la marque d’une altérité altérante.
Personnage, Joan Miró, 1968, photo : Daniela Jácome (Instagram : @danijacome)

De la sorte, l’écriture met en scène le « vestige » d’un pied nu sur le sable. Ou plutôt elle s’y réfère comme à son autre. Dans sa sculpture Personnage, Miró combinait le graphe d’un visage et deux empreintes de pied : d’une part, une écriture signifiante (la silhouette dessinée par le sculpteur) ; d’autre part, l’impression silencieuse (la marque laissée par les pieds). Elles renvoient l’une à l’autre, s’appellent et s’altèrent dans un rapport qui lie la production d’un discours sur l’absent (l’icône) à la muette garantie abandonnée par l’absent (l’empreinte). Cette « manière de mémoire » articule sans les flores les traces de l’autre. »

Michel de Certeau, Histoire et psychanalyse, entre science et fiction, 1986, p. 218.
 
 
 
Caroline Bernard – Psychologue clinicienne
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